Le Mate, bien plus qu’une boisson…

– Dis Tango, on se prépare un « Mate » ?

– Qui on ? Toi ou moi ?

– Toi ! Tu le prépares si bien…

– Moi, je l’ai dans le sang. Toi, tu l’as adopté… ou il t’a adopté, je ne sais plus. Mais fais-lui donc honneur et montre-moi que tu n’as pas oublié ses rituels ?

Ainsi commença l’après-midi de samedi, empreinte de la joie du souvenir des moments passés autour de la plus Argentine des boissons (vin mis à part…) et de cette énergie diffuse si propre à sa consommation. Et cette mélancolie rieuse nous a suivi toute cette après-midi où nous avons parlé entre autres de mate.

– Cesses-donc de te répéter Truffe ! Et invite nos lecteurs à lire l’article que tu as écrit à Mendoza quand nous buvions du mate au quotidien…

– Tu as raison Tango…

Alors, en espérant que ces quelques lignes vous feront voyager… bonne lecture à tous :

Le Mate, bien plus qu’une boisson…

L’homme est animal d’accoutumance, en perpétuelle recherche de gestes apaisants, de sécurité sociale (entendez-moi, pas la sécu aux caisses vides, non, mais le sentiment de sécurité de l’homme dans son rôle social). Car oui l’homme demeure un animal social.

Et bien, de ce coté-ci du monde, ces accoutumances-là  ne manquent pas : à commencer par les asados, le dulce de leche, les tortitas, le fernet branca, la sieste, le franc-parler et la buena onda, puis le vin évidemment et pour finir, le Mate.

Et c’est donc de Mate que nous allons parler – à prononcer « maté » s’il vous plait.

La Yerba Mate, Ilex Paraguariensis, toute de majuscule vêtue est une des plantes les plus respectées en Uruguay, au Paraguay, au Brésil ou encore en Argentine. Des rives des fleuves Paraná, Paraguay et Uruguay, les feuilles de cet arbuste ont donné vie à la boisson reine d’Amérique du Sud, survivante de l’abominable colonisation, des meurtrières dictatures, des crises et autres fléaux des hommes. Traversant les âges, le Mate se boit toujours aujourd’hui de la même façon qu’il se buvait il y a des siècles par le peuple Guaraní.

Toutes générations confondues, en tout lieu et à toute heure on déguste le Mate pour son goût inimitable, ses propriétés énergisantes et thérapeutiques mais surtout pour son rôle social, son rôle fédérateur. Car le Mate ne se boit pas seul chez soi, non, il s’offre, se partage, pour se connaître, pour discuter, pour être ensemble.

En quelques mots, pour nous instruire un brin sans pour autant nous perdre en masturbation cérébrale, voici comment se déroule le rituel du Mate :

Le Cebador (presque un titre de noblesse, tout du moins une marque de respect) grand maître de cérémonie et préparateur / serveur du Mate verse l’herbe Mate dans le Mate. Oui, c’est aussi le nom du récipient dans lequel se boit la boisson du même nom, nom venant d’ailleurs du quechua “matí”, désignant la calebasse servant à l’origine de récipient. Je sais, c’est pas simple, faut suivre ! Le Cebador donc, verse la Yerba Mate dans le Mate, pose la paume de sa main sur le Mate et le renverse en l’agitant, puis le remet en position initiale en faisant attention que l’herbe soit en pente dans le récipient. Le Cebador verse ensuite l’eau (tiède puis chaude) sur la partie basse de l’herbe en conservant la partie haute sèche. Il n’a plus qu’à placer délicatement la Bombilla (paille-filtre le plus souvent métallique servant à boire) au fond du Mate, boire la première eau puis re remplir et servir ses amis les uns après les autres, en tournant, sans oublier personne évidemment.

Je sens d’ici fuser les doutes et les questions, alors clarifions quelques points :

– Pourquoi retourner le récipient  Mate et l’agiter ? Pour que la partie poudreuse de l’herbe se place en surface et ne vienne pas boucher les petits trous de la bombilla placée au fond du Mate ensuite.

– Pourquoi l’herbe en pente avec une partie sèche ? Pour prolonger le goût du Mate après plusieurs remplissages d’eau. Ainsi l’énième ami à boire dans le même Mate ne se retrouve pas qu’avec de l’eau chaude (appelée d’ailleurs, Mate lavado) !

– Pourquoi le Cebador boit-il la première eau ? Bon prince, il consomme l’eau la moins savoureuse (et vérifie qu’il a bien fait son travail par la même).

– Pourquoi une eau tiède puis chaude ? Tiède (40-50 degrés) puis chaude (75 degrés est idéal) mais jamais bouillante pour monter l’herbe en température sans la cuire ou la brûler.

– Un seul récipient et une même Bombilla pour tout le monde ? Oui, je comprends les rétissances, mais bon… Qui n’a jamais bu dans la même bouteille que son frère, ou partagé un sandwich, une cuillère ou une fourchette ou pris des chips dans un bol ou d’autres avaient fait de même ? Qui n’a jamais ramassé étant gamin sa chupa chups par terre pour la re sucer après lui avoir quitter sa poussière d’un souffle magique et stérilisant ? Ou encore qui n’a jamais porté ses doigts à son visage et réalisé en se faisant qu’il avait touché avant une pièce de monnaie, un mur, une rampe, etc. Puis finalement qui n’a jamais embrassée, tout simplement ? Alors un partage de Bombilla, finalement…

– Enfin, quand s’arrête-t-on ? Il suffit de remercier le Cebador pour lui notifier que vous avez bu à votre soif ; un simple « gracias » et le tour est joué.

Pour en revenir à une expérience plus personnelle, il y a certaines étapes incontournables à l’intégration en Argentine et gagner ses galons comme Cebador en est bien sur une. Et croyez-moi, le premier compliment d’un argentin sur la qualité d’un Mate dont vous êtes le Cebador vous remplit de la joie et du léger orgueil de se sentir intégré.

Vous aurez compris que le Mate n’est pas qu’une Yerba sélectionnée, séchée, plus ou moins toastée et broyée. C’est bien plus !

Pour finir et mon cher Diego ne me contredira pas, il existe des dizaines de Yerba Mate. Selon la maison qui la fabrique, la Yerba aura une amertume, une force et un goût différents : puissante et iodée la Nobleza Gaucha, fumées et typées l’Amanda et sa petite sœur Romance, fraîche au parfum de menthe la VerdeFlor ou la CBSé, fine au cœur d’artichaut la Cruz de Malta, végétale et verte la Rosamonte, légère la Tranquera et incontournable la Taragui pour sa force et son équilibre.

Et parlant de Taragui, je me dois de dédier ce récit à Diego, grand Cebador et partenaire de dégustations sans lequel je ne serais pas là à vous écrire avec en main, un Mate.

Truffe.

Article publié inicialement sur: http://remisbook.wordpress.com/2010/09/07/le-mate-plus-qu%E2%80%99une-boisson%E2%80%A6/#comments